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Les News de Seb Seb
27 mai 2016

Vouloir le bonheur

La traduction en langage réfléchi du vouloir spontané qui est notre fonction essentielle et notre direction normale serait la formule suivante:—Je veux la libre union de tous les êtres, l'universelle bonté et l'universel bonheur. Quand notre volonté arrive, par la réflexion, à la conscience claire d'elle-même et de sa direction normale, la formule qui exprime le mieux cet état est la suivante:—L'universelle bonté devant être une union libre, je veux la vouloir librement. C'est là ce qu'on désigne, en termes plus ou moins impropres, sous les noms d'obligation morale ou de loi morale; mais, par cette loi, il ne faut pas entendre une nécessité imposée du dehors: c'est une nécessité que nous nous imposons, expression détournée d'une liberté qui se prendrait elle-même pour objet. On caractérise donc mal la moralité en disant que nous sommes obligés; il faudrait dire que nous nous obligeons. Nous ne trouvons pas une loi toute faite, nous nous en faisons une nous-mêmes. Kant, tout en enseignant l'autonomie de la volonté, ou plutôt de la raison, ne paraît pas donner une exacte notion du bien moral quand il l'appelle l'impératif catégorique et qu'il lui prête un caractère de nécessité rationnelle. Une loi qui n'apparaîtrait que comme impérative, sans rien de plus, ne serait encore qu'une règle négative et limitative de la liberté, un joug propre à lui imposer une mesure et des bornes, propre à réaliser un ordre mathématique et logique plutôt qu'un ordre vraiment moral. Le côté par lequel la perfection idéale se manifeste comme règle ou loi ne répond pas à notre idée d'une vraie infinité, qui pénétrerait en toutes choses sans les limiter et sans être limitée par elles. Pour que je conçoive et accepte sans réserve un bien idéalement infini, il faut qu'il m'apparaisse non seulement comme impératif, mais comme persuasif: le bien doit être pour moi non seulement suprême loi ou justice, mais suprême amour ou charité. Si je ne voyais rien de positivement bon et d'aimable dans le bien dont je fais mon idéal, si je n'y voyais pas le règne universel de la bonté libre, je n'y verrais rien non plus de respectable. Respecter, c'est encore aimer; commander, c'est encore persuader. Ce qu'on n'aime absolument pas, ce en quoi on ne trouve pas l'attrait de quelque bonté positive et personnelle, de quelque libre amour, le respecte-t-on? Et ce qui, tout en commandant, ne persuade point, ne demeure-t-il pas extérieur, étranger, comme une nécessité gênante et inintelligible? A vrai dire, il n'y aurait qu'un commandement catégorique et sans réplique possible, c'est celui qu'un amour vraiment libre se ferait à lui-même, à l'appel de l'objet aimé. Nous sommes nous-mêmes le pouvoir législatif, et c'est par un libre suffrage que nous changeons l'idéal en loi. Une obligation morale doit donc être d'abord érigée librement en obligation; c'est là son essence, méconnue d'ordinaire et transformée en nécessité. L'idéale bonté doit se faire aimer librement des êtres bons: elle n'est pas simplement la limite morale qui défend à mon intérêt d'aller plus loin; elle est l'illimité qui m'invite à franchir toutes limites, y compris celles du moi, par mon intelligence, par ma volonté et mon amour.

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